Les traditions étant faites pour être respectées, nous nous sommes une nouvelle fois entretenus, fin novembre dernier, avec Dirk Ballekens, le directeur de l’Association belge des Jardineries (ABJ), dans le but de dresser un bilan de l’année qui s’est écoulée pour le marché des jardineries en Belgique. « Son premier semestre ayant été particulièrement pluvieux, l’année 2024 n’a clairement pas été une année mémorable. De nombreuses jardineries belges ont même dû faire face à une baisse considérable de leur rentabilité au cours des derniers mois. Il y a cependant aussi de bonnes nouvelles, puisqu’il s’avère que notre cœur de métier, à savoir la verdure et les plantes, continue d’enregistrer d’excellents résultats. Il s’agit de surcroît d’un groupe de produits que les consommateurs préfèrent acheter dans un point de vente physique. Cela montre bien que les jardineries doivent se (re)concentrer sur ce point à l’avenir, ce que nous, chez l’ABJ, ne cessons d’ailleurs de répéter depuis un certain temps », déclare-t-il, avec le grand enthousiasme qu’on lui connaît, pour résumer l’année 2024.
Le mauvais temps a freiné les ventes
« En Belgique, nous ne disposons malheureusement pas de chiffres de vente exacts pour le marché des jardineries », nous avoue d’emblée Dirk Ballekens lorsque nous l’interrogeons sur le bilan de l’année qui s’est écoulée pour les jardineries belges. « C’est pourquoi je me base principalement sur les informations fournies par les huit principaux acteurs de notre secteur. Et sur cette base, on peut considérer que l’année 2024 a été une année plutôt moyenne pour les jardineries belges. Je me réfère aussi brièvement à l’Omzetmonitor de Tuinbranche Nederland, qui fournit des informations sur les ventes réalisées par la majorité des jardineries néerlandaises. Ce rapport montre que les ventes ont chuté de plus de 5 % au cours du premier semestre 2024. En tenant compte de l’inflation non négligeable, on peut donc dire que le nombre de produits vendus a sensiblement chuté. Pour le deuxième semestre 2024, l’Omzetmonitor n’offre pas encore une bonne vue d’ensemble, mais les premiers signes sont encourageants. Je pense que la situation belge est très similaire à celle des Pays-Bas, bien qu’il soit difficile de chiffrer avec précision le recul des ventes dans ce pays. Les jardineries belges ont elles aussi beaucoup souffert du printemps extrêmement pluvieux, qui a découragé les consommateurs de travailler dans leur jardin ou de profiter de ce dernier. Heureusement, pendant les longs week-ends du mois de mai, le temps a été magnifique, ce qui a permis de redresser la barre dans une certaine mesure. En particulier dans les jours qui ont suivi l’Ascension, nos jardineries ont été envahies par une foule de clients enthousiastes, ravis de pouvoir enfin se mettre au travail dans leur jardin. Hélas, cette belle parenthèse n’a été que de courte durée, car le mauvais temps est rapidement revenu gâcher la vie des amateurs de jardinage. Ces conditions météorologiques défavorables ont été néfastes pour la rentabilité des jardineries belges, qui a été clairement mise à mal au cours des 6-7 premiers mois de 2024. »
Les mêmes segments continuent d’éprouver des difficultés
Dirk Ballekens note que dans certaines catégories de produits, le scénario de 2023 s’est répété. « Les ventes de meubles de jardin, de barbecues, d’arbres de Noël artificiels, de poteries et de décorations de luxe et d’autres articles similaires dans les jardineries belges ont une fois de plus été très compliquées. Et pour moi, il y a trois grandes raisons à cela. Premièrement, ces catégories de produits doivent encore surmonter le problème lié à la hausse des prix qui s’est produite suite à la pandémie de coronavirus. Ces types d’articles ne sont normalement achetés qu’une fois tous les 5 ou 10 ans, et je crains donc que la stagnation des ventes de ces articles ne se poursuive pendant encore quelque temps. L’inflation galopante a en outre entraîné de fortes hausses de prix qui ont ralenti encore davantage les ventes. Et enfin, dans ces segments, la concurrence des acteurs en ligne et des casseurs de prix tels que TEDi, Trafic ou Action est absolument féroce. Souvent, une jardinerie fait office de showroom, mais l’achat final se fait souvent via les canaux précités à un prix inférieur. La question se pose donc de savoir si les jardineries doivent vraiment continuer à investir des sommes importantes dans ces catégories. »
La verdure se fait encore plus verte
Ce qui, en revanche, avait fort bien marché l’année dernière, c’était le cœur de métier des jardineries, à savoir les plantes, la verdure et les produits connexes, ce que Dirk Ballekens trouve tout à fait logique. « Tout d’abord, malgré la conjoncture financière peu réjouissante, les consommateurs belges restent très enthousiastes à l’égard de cette catégorie de produits. En outre, le nombre de maisons et d’appartements dans notre pays continue d’augmenter, bien que ceux-ci deviennent toujours plus compacts. Nous vivons avec plus de personnes dans le même espace, ce qui signifie qu’un budget plus important peut être consacré à des jardins moins spacieux, ce qui joue en faveur des plantes et de la verdure. Enfin, tant l’étude que l’ABJ a réalisée sur le comportement des Belges en matière de jardinage que les chiffres de la Fédération flamande de l’horticulture ornementale et de la verdure montrent bien que les plantes et la verdure ne sont que très peu achetées en ligne. Les gens veulent en effet pouvoir toucher, voir et sentir ces articles avant de les acheter, et où peut-on mieux faire cela que dans nos jardineries ? Ces dernières se distinguent grâce à un assortiment de qualité, des conseils d’experts et des présentations attrayantes et inspirantes qui suivent parfaitement le rythme des saisons ! Je ne peux donc que conseiller aux propriétaires de jardineries de mettre encore plus l’accent sur la verdure dans leur assortiment au cours des années à venir. Une telle approche porte en effet toujours clairement ses fruits, comme l’a montré la sélection opérée par le jury lors de la dernière cérémonie en date des Garden Centre Awards : les jardineries et pépinières récompensées sont toutes résolument engagées en faveur de l’écologie et de la durabilité. »
Saisir les opportunités qui se présentent
Dirk Ballekens souligne que la tendance à rendre les jardins durables ouvre de formidables perspectives pour les jardineries. « Des initiatives telles que ‘Tegelwippen’ (Faites sauter les dalles), ‘Maai Mei Niet’ (Ne tondez pas au mois de mai) et ‘Zonder is Gezonder’ (Sans pesticides, c’est plus sain) encouragent les consommateurs, en particulier ceux de la jeune génération, à aménager leur jardin de manière plus naturelle. De plus en plus de personnes souhaitent rendre leur jardin plus durable afin de contribuer à la lutte contre le changement climatique. Les consommateurs sont tout à fait ouverts à cette démarche, à condition qu’ils ne se sentent pas obligés de faire les choses et/ou qu’ils ne se heurtent pas à des réglementations trop contraignantes. Les jardineries sont considérées comme des lieux accueillants et agréables, où les consommateurs aiment se rendre. Je pense donc que les jardineries de qualité ont un rôle clair à jouer pour guider et inspirer les consommateurs tout au long de ce processus vers plus de durabilité. En outre, l’essor de la végétalisation urbaine, qui vise à réduire l’effet d’îlots de chaleur urbain, ouvre de nouvelles perspectives commerciales pour les jardineries (en périphérie des villes). Les jardineries de notre pays qui se limitent à leur cœur de métier présentent clairement un modèle d’avenir extrêmement résistant à l’évolution du climat. En se concentrant sur leur cœur de métier, ces entreprises évitent les produits qui n’ont rien à voir avec le secteur et qui sont de surcroît très sensibles à la concurrence. De plus, elles consomment moins d’énergie et émettent moins de CO2. Leur fonctionnement saisonnier est également en phase avec les besoins des consommateurs. Genker Plantencentrum, par exemple, ferme carrément ses portes pendant 7 semaines en hiver. »
La durabilité : un cheminement jalonné de ‘si’
Pour terminer, Dirk Ballekens a brièvement évoqué les défis généraux et spécifiques au secteur auxquels les jardineries seront confrontées dans les années à venir. « Avant tout, les jardineries devront elles aussi relever le défi vers plus de durabilité, notamment via la décarbonisation et la défossilisation. Avec son ‘Green Deal’, l’Union européenne a pour objectif d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. Dans ce contexte, les jardineries devront également apporter leur pierre à l’édifice. Bien qu’avec l’opposition qui se manifeste de toutes parts, il ne soit pas du tout certain que les feuilles de route et les calendriers actuels seront respectés à la lettre, d’importants changements se profilent à l’horizon. La ‘directive ETS 2’, la nouvelle taxe carbone européenne, devrait par exemple entrer en vigueur en 2027. Cela implique que de nouvelles taxes seront prélevées sur les combustibles fossiles utilisés pour le chauffage et le transport. Et ces taxes devraient être augmentées de manière progressive au cours des années suivantes. Pour les jardineries en particulier, cela signifie que le passage aux pompes à chaleur, aux panneaux solaires et à d’autres technologies durables pourrait devenir une nécessité plus tôt que prévu. Avec le comité exécutif de l’ABJ, nous sommes partis visiter quelques jardineries néerlandaises qui ont déjà opéré cette transition. Nous avons ainsi pu constater qu’une telle approche peut être efficace, même s’il existe d’importantes réserves, notamment en ce qui concerne le fonctionnement de ces systèmes pendant les 20 jours les plus froids de l’année et les investissements considérables que tout cela implique. En outre, il n’est pas du tout certain que toutes les jardineries obtiendront les permis nécessaires pour pouvoir procéder aux adaptations requises. Comme vous pouvez le constater, il s’agit pour l’instant d’un scénario comportant beaucoup d’incertitudes, et l’ABJ a elle aussi du mal à déterminer quand et comment tout cela sera mis en place. Les exploitants de jardineries devraient néanmoins garder ces évolutions à l’esprit et se préparer dans une certaine mesure à ces éventuels changements. Aujourd’hui, il n’est pas rare que de petites jardineries locales, dont les structures sont délabrées et qui sont dans l’incapacité d’obtenir un permis, doivent mettre la clé sous le paillasson. Et cette situation ne changera pas dans les années à venir. »
Qu’en est-il des offres d’emploi et de la concurrence en ligne ?
À court terme, les jardineries seront également confrontées à certains ‘sujets brûlants’. « Comme c’est le cas dans presque tous les secteurs d’activité, notre branche est elle aussi très demandeuse d’employés (dûment formés). L’ouverture le dimanche constitue un obstacle de taille dans ce contexte, car certains demandeurs d’emploi, en particulier en cette période de tensions sur le marché de l’emploi, trouvent d’autres secteurs plus attrayants. Nos jardineries doivent en outre faire face à la concurrence croissante du commerce électronique. Cette année, les boutiques en ligne ont en effet renforcé leur part de marché dans presque toutes les catégories de produits liées aux jardineries, à l’exception des plantes et de la verdure. Pour faire face à cette évolution, l’ABJ appelle à nouveau les gouvernants de notre pays à adopter des politiques d’octroi de permis qui soutiennent les exploitations existantes. Il s’agit là d’une condition sine qua non pour garantir la disponibilité géographique et faire en sorte que les jardineries restent accessibles à tous. Plusieurs exploitants de jardineries s’inquiètent également de la survie des petites pépinières spécialisées. Lorsque les propriétaires de ces entreprises approchent de l’âge de la retraite, il n’y a souvent personne – ou presque – pour reprendre le flambeau. Il serait fort regrettable que ces spécialistes disparaissent, car ce sont justement leurs produits qui permettent à nos jardineries de se démarquer », indique Dirk Ballekens, pour conclure notre entretien.